Les scènes musicales modernes sont des écrans manifestes de désir. Chercher des expressions de désirs dans les paroles et les gestes comme si le désir était muré dans la prison de nos corps est une absurdité. Les corps se sont libérés même s’ils s’enchaînent toujours. On sue, on mouille, on crache, on crie. On s’affole.
Les groupies cherchent à entraîner leurs idoles au dehors de la scène, dans l’ombre, afin de vérifier la raison, l’intensité, le bien fondé de leur désir. Sa valeur pour soi et personne d’autre. Certaines cherchent à faire l’épreuve dans l’intimité des coulisses, dans la lumière douce des alcôves, de quel bois est fait leur idole, si elle est faite de la même substance qu’elle même. Voilà pourquoi elles la touchent, incrédules, leur arrachent un bout de peau : s’assurer qu’elle existe bien et, en poussant plus loin, vérifier de quel bois il les chauffe.
Il y a les filles qui hurlent dans le public et qui poursuivent, en horde, leurs idoles ; il y a celles qui passent la rampe, l’épreuve du feu, montent sur scène, parviennent sous la lumière que projette leur idole. Celles aussi qui, cherchant une illumination de leur étoile, comprennent (il faut savoir pourquoi) que celle-ci ne rayonne pas d’elle-même mais reçoit sa splendeur d’autres gloires. Plus hautes, plus anciennes. Elles tentent alors parfois de soutenir elles-mêmes l’éclat de cette gloire, quelle que soit sa provenance, qu’elle vienne ou pas en droite ligne de l’idole du moment : l’essentiel est de passer dans l’éclat, de sentir le désir envieux des autres sur soi, ce désir homosexuel, groupal, auquel on ne répond pas pour seulement fondre et se fondre dans la lumière.
Ces scènes musicales manifestent la structure actuelle d’un désir. Pas sûr qu’il soit pour autant féminin.