Terre et ciel
Il y a un certain rapport de la terre au ciel en jeu au sommet de la montagne quant à la manifestation du sublime. Alors même qu’elle ne semble en être que l’abord, que le seuil, le point ou une contemplation peut y trouver son assise, la Terre ou son dernier monticule s’élance au contraire dans le ciel. L’important c’est de montrer que parvenu au sommet, alors que ce sont les cieux qui contiennent le sublime, qui l’offrent au regard, la terre, le site proprement dit du sommet va être lui-même aussi être sublimé comme Terre. Certes c’est encore par le fait qu’elle est marquée par le ciel dans l’exemple de Thoreau que la terre est sublime. Il y a cette relation dissymétrique par laquelle d’un côté la Terre s’élance et s’achève dans un élément mortel pour l’homme, qu’il ne peut explorer que des yeux, des oreilles, de la peau, il n’a plus de mobilité mais conserve la liberté de ses mouvements, et de l’autre, le ciel baigne, enveloppe, marque la terre de ses propres mouvements et accidents, de ses intempéries. Si bien entendu Friedrich, en faisant du plafond de nuage un plancher visuel, transpose le rivage devant la mer au sommet de la montagne (sanctionnant l’empaysagement récent, contemporain et croisé de ces deux spectacles naturels), il fait également passer, comme les pics des sommets proches qui s’extraient des brumes, la Terre dans un nouvel élément gazeux, l’océan atmosphérique. A l’approche du point culminant de la terre, on change d’élément et ce n’est plus d’ascension qu’il faut parler mais d’un arrêt, d’un recul. Si une partie du spectacle sublime se dévoile déjà grâce et pendant l’ascension, parvenu en haut, approchant de son terme, elle doit retenir ses pas, pas tout à fait s’immobiliser puisque le corps bouge pour contempler le panorama et se tenir solidement au sol, mais