Sur d’autres portées

Sachant à peine déchiffrer la musique notée sur partition, nous avons appris, bon an mal an, à sentir la musique selon des coordonnées particulières, à savoir les rapports entre scène et studio, son et note, artiste et public dont elle est faite et qu’elle parfait, contrefait ou défait dans son déroulement. Que nous portions une attention « verticale » à un morceau de musique, décomposant rythme et mélodie par exemple, ou que, de mémoire, un morceau se laisse entendre à l’horizon d’un autre, que l’on soit ainsi à l’écoute de différentes couches musicales ou de plus amples échos, chacun des flux de musique que nous percevons, qui nous accompagnent et nous pénètrent un temps, se découpent, s’individualisent pour nous selon ces repères. Musique de studio ou musique de scène ? C’est une note ou du bruit que j’entends ? Vers qui porte-t-elle sa voix quand elle chante ? Autant de questions le plus souvent silencieuses auxquelles on répond facilement. L’usage de tels repères n’a rien de bien compliqué. Sauf qu’il arrive et ce sont ces moments qui nous intéressent que les différences évidentes qui constituent ces repères s’amenuisent ou se troublent. Un disque live est toujours un enregistrement studio puisqu’il est gravé sur disque mais ce que je ressens est diffèrent. Quand je vois une musicienne comme P.J. Harvey produire sous mes yeux, dans un studio d’enregistrement délibérément ouvert par de larges vitres au public, son nouvel album, un trouble se produit. Dans les deux cas, le studio devient scène et bien qu’il ne parvienne jamais à l’être, leur rapport se transforme, la musique s’écoute et se ressent différemment. Ce sont ces troubles et les effets qu’il produise dans l’expérience de la musique qui m’attirent et m’amènent à en parler. Partager cette passion pour les mélanges, les fusions ou les moments d’indécision.