On ne peut plus tranquille, allongé sur un bon fauteuil, la tête inclinée vers le ciel, j’écoutais le concert. Tout le monde dans le même cas. Quelques-uns se lèvent, je ne bronche pas, réjouis que ça prenne. On me dit, allez on se lève, on ne vit qu’une seule fois.
On se lève… On se lève… Non, je ne me lève pas, mademoiselle, comme si quand on essaie de penser et d’écrire, on ne le savait pas déjà qu’on ne vit qu’une seule fois, comme s’il ne fallait pas arracher tous les jours quelques heures au sommeil pour inventer d’autres vies dans une seule, comme si quand on quittait sa page griffonnée, brouillonnée, au matin, pour aller faire ce qu’on doit pour revenir le soir à sa page, on ne savait pas que ce bout de texte pourrait en rester là, inachevé, abandonné, en souffrance : feuille à peine dégrossie au lieu de cette lame qu’on voudrait assez fine pour couper même l’épaisseur des silences.
Je ne me lèverai donc pas, mademoiselle, pas même le petit doigt.