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Dans la nuit passent les trains et les bateaux et le mirage des pays où il fait jour. Les derniers souffles du crépuscule et les premiers frissons de l’aube.
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Corps et biens, 1953, Robert Desnos
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La limite du jour
En passant
Il me semble qu’il serait mesquin de définir le type de vérité que vise la sociologie par la seule objectivité de la science. Il me paraît plutôt que ce regard porté sur les hommes-qui-demeurent-associés parle aussi bien de qu’à partir de la fin d’un présent (que celui-ci ouvre un vide, libère d’une illusion ou marque un basculement). La sociologie annonce rarement des progrès mais plutôt des crises, des chutes, des pertes, des « inquiètements ». Et si elle se sépare de l’histoire (dont elle n’use que pour jeter un regard plus lointain), c’est en raison du temps précis qu’elle ne quitte pas des yeux : ce jour dans lequel nous baignons et pour lequel nous n’avons qu’une courte mémoire. La sociologie ne parle pas du jour d’avant mais de la fin du jour d’hui, de la nuit qui va suivre dont on ne saura pas sur-le-champ où elle pourra nous conduire. Chaque présent, sans doute, se double de son propre passé, précédent obscur et profond, mais aucun jour encore n’est venu qui pourrait les discerner, clarifier enfin ce qui reviendra à la nuit et restera dans le jour. Il faudra que ce temps qui s’enfuit passe la nuit. La sociologie scrute ces échappées qui trouent et dessinent en pointillés l’horizon. Des vérités qui sont encore celles du jour, jetant leurs lumières sur le monde, mais celles de son crépuscule : illusion de la liberté native, de la démocratisation, de l’inviolabilité de la conscience, de la contrainte naturelle, de la toute-puissance de l’État, etc. La liste est sans appel de retour. Le jour qu’elle réverbère et qu’elle répand, celui dans lequel elle prend appui est le crépuscule de ce jour, d’un jour qui se vide, qui se creuse, qui s’intensifie avant de sombrer dans la nuit. La sociologie ne parle que faussement, c’est-à-dire trop sérieusement, d’illusions, de jours, qui éblouissent, aveuglent ou émerveillent, puisqu’elle ne promet jamais aucune de sortie hors de la caverne ; elle ne parle que de ce qui est arrivé, part et se perd. Elle ne voit le jour qu’envahi et cerné, rattrapé par la nuit.
Et si la sociologie dévoile quelque chose, comme on l’a beaucoup dit, ce sont ces réalités qui se parent d’éternel et qu’elle saisit sous un jour déclinant, les voyant disparaître pour un temps. Un temps bien entendu indéfini.
Je suis un peuple en mouvement
En passant
Chacun appartient à un peuple sans terre, un groupe de corps vivants ayant pour caractère (imperceptible le plus souvent) une compréhension intuitive de l’espace et du temps. Il semble, pour ma part, que ce soit l’espace du retrait et de l’isolement qui me guide, tandis que le temps qui m’emporte serait plutôt celui de la veille : vigilance tardive autant que fuite dans l’antécédence obscure de l’avant. À partir de là se décident nos mouvements et nos déchirements ; le sort de nos rencontres ; le cas de nos évitements. À chacun de nos pas s’accomplit un voyage auquel survient un naufrage.