Les amours féminines

En passant

 

 

De même que nous ne pouvions, il n’y a pas si longtemps, aimer les hommes sans d’abord donner notre amour à Dieu – puisque les hommes étaient trop vils, trop laids pour être aimés pour eux-mêmes ; de même, l’on nous dit aujourd’hui que Père et Mère sont le tiers nécessaire de notre amour pour autrui, la chair impalpable que nous caressons sous sa peau. Pire, nous allons même jusqu’à dire que notre amour ne prend forme que dans la première aimance maternelle et que cette carence nous resterait à jamais en défaut. En travers de la gorge. Si bien qu’à nos amant(e)s silencieusement, nous crions à notre insu : Maman ! Les amours, de nos jours, peuvent être mises au pluriel, leur féminin est forcément maternel.

Saillir/Jaillir

Une des raisons essentielles qui m’avaient fait jadis abjurer en moi-même tout exercice érotique (faire saillir son désir à autrui quel qu’il soit) était la finesse de perception que j’avais acquise on ne sait comment des signes permanents de désir ; signes qui me transperçaient, me blessaient, m’esquivaient, me trouaient au point de développer chez moi une certaine paranoïa (chaque geste notable recelait un assaut désirant, l’événement d’une culbute). Tout ce qui passait mon horizon sensible simulait, le temps d’un coup de folie, un flux de désirs que je ne pouvais contenir.

J’étais littéralement submergé de désirs : des miens, des siens, des tiens, des vôtres, toutes les pronoms de la langue ne suffisaient pas à les dire.