Chacun appartient à un peuple sans terre, un groupe de corps vivants ayant pour caractère (imperceptible le plus souvent) une compréhension intuitive de l’espace et du temps. Il semble, pour ma part, que ce soit l’espace du retrait et de l’isolement qui me guide, tandis que le temps qui m’emporte serait plutôt celui de la veille : vigilance tardive autant que fuite dans l’antécédence obscure de l’avant. À partir de là se décident nos mouvements et nos déchirements ; le sort de nos rencontres ; le cas de nos évitements. À chacun de nos pas s’accomplit un voyage auquel survient un naufrage.
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Dire adieu
En passant
Tous les paysages sont sauvages, tous les paysages sont vus d’une ville ou d’une tour, tous les paysages sont tramés dans les contours d’un portrait. La fenêtre d’où je regarde au loin la campagne s’étaler est la transparente ouverture par où mon visage pourrait s’avancer et se montrer au dehors. Il ne se laisse pourtant pas remarquer. Surprendre, observer et décrire les portraits d’hommes sauvages, c’est forcer ce visage, le mien ou le vôtre à se montrer à la fenêtre. À faire signe avant de dire adieu au pays. Car une fois bousculés, avancés, révélés, paysage et visage ne pourront plus que se dire au revoir. Symboles sans retour.
Pris par le manteau
En passant
La cosmographie de la Renaissance parvenait facilement à concilier l’image médiévale d’une terre plate – figurée sous forme d’un disque entouré d’eau – à celle d’une sphère, composée cette fois de terre et d’eau. Il suffisait, en effet, de raconter que Dieu avait créé le relief en tirant le manteau de la terre vers le haut, formant ainsi les montagnes tout en laissant monter les eaux – les deux éléments venant alors se mélanger. Symboliquement, donc, le sommet des montagnes était le point où la main de Dieu s’était posée.