Qui cherche des vérités obscures : pas de celles que l’on cache et qu’il faut dévoiler, voire débusquer ; pas de celles qui se retirent à mesure de vos avancées ; mais ces vérités noires, implosives, qui avalent le monde par une bouche dont on ne sait même plus où dans le corps, et dans lequel, elle peut bien être située ? Qui ?
Celui qui ne veut pas écrire des systèmes mais tracer des labyrinthes ; lieu, dit Borges, du plus haut fantastique, lieu de complication infinie de l’ordinaire des jours – nuit qui est le fil rompu de leur défilé.
Qui ?
Celui qui ne voit pas les hypothèses comme des gestes de prudence épistémologique mais comme des chances à tenter, des erreurs à suivre, des issues à creuser : « les conjectures, disait Quignard, sont des délires ».
1975, salle de l’Other End, à New York, Patti donne un concert avec son groupe au complet. L’ambiance est électrique. Bob Dylan est dans la foule. « Cette soirée m’est apparue comme une initiation, où je devais devenir pleinement moi-même en présence de celui que j’avais pris pour modèle », écrit-elle dans Just Kids.
La scène se renverse : la groupie, la gratte-papiers qui cherchait les interviews, se retrouve ce soir les deux pieds, les deux mains, sur les planches pendant que l’idole secrète brille de son éclat noir. Seule contrainte qui filtre dans l’air venue de sa bouche muette : ne pas me ressembler mais être soi-même. Se courber sur soi et tenir, retenir, quelques heures le peu que l’on est – fulgurances dont on est à la fois le seul support et le seul témoin.
Troisième ou quatrième génération de rockers (avec quoi on compte le temps dans ce genre de mouvements, n’y a même pas de manifestes, de simulacres de révolution, pour scander le temps ?) à monter à l’assaut de la scène : Lemmy le roadie et Patti la groupie. Le rock devient un milieu dans lequel ceux qui font tourner le spectacle trouvent la force, l’occasion, l’accès, ou la faiblesse aussi, de briller à leur tour. La scène, alors, s’ouvre à l’arrière : le rock sort des backstage.
Je ne sais, alors, si la scène communique encore avec le labyrinthe branlant de la foule, celui d’où n’importe qui, la rage au ventre et le désir dans la gorge, pouvait sortir ; ou si ces nouvelles figures de rockers, qui viennent de l’entourage immédiat de la scène, ne montrent-il pas qu’une porte vient de se fermer ? La route est-elle devenue si longue qu’il faut maintenant-lentement s’approcher ? Transporter et installer le matos ou recueillir quelques bribes de paroles ? Entre les fans et les groupes, n’y aurait-il plus d’espace pour personne ?