La raison est l’art des détours, la conduite de l’erreur. Elle use de la vérité comme d’un raccourci utile un moment : le chemin droit est une erreur que l’on prend trop longtemps. Il n’y a aucune connaissance, si certaine soit-elle, qui n’ait été plusieurs fois dans son histoire, déplacée, transférée, décalée, dérivée d’autres connaissances, si bien que le corpus le plus solide de nos vérités actuelles n’offre cependant aucun fondement possible à je ne sais quelle certitude de l’esprit. Même les vérités les plus massives, les plus lourdes (les premiers principes, les thèses inamovibles), n’ont cessé d’être en mouvement et de changer de place dans le temps.
Il existe une philosophie du voyage, de l’errance, qui emprunte encore la voie de la raison. La vérité s’y rencontre comme halte, étape ou obstacle.