Naufragé volontaire

En passant

IcarieMarx n’a pu critiquer les utopies de son temps qu’en les assimilant à des îles – ce site longtemps privilégié de l’ensauvagement européen – celles-ci ne pouvant plus demeurer à ses yeux le possible départ d’une contre-société. Cabet n’était dès lors pour lui qu’un nouveau Robinson et son Icarie l’aventure tragique et naïve d’un naufragé volontaire.

Utopies. III

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Nulle part sauf ici

 

Vous auriez peine « à me persuader, dit Pierre Gilles, qu’il existe dans le nouveau monde des peuples mieux gouvernés que dans celui qui nous est connu. […]
– Il vous faudrait avoir été en Utopie avec moi, avoir vu de vos yeux leurs coutumes et leurs institutions, ainsi que j’ai pu le faire, moi qui ai vécu plus de cinq ans dans leur pays, que jamais je n’aurais voulu quitter si ce n’avait été pour faire connaître cet univers nouveau. Vous confesseriez alors n’avoir jamais vu nulle part un peuple gouverné par de meilleures lois. […]
– Eh bien, cher Raphaël, […], décrivez-nous cette île, nous vous en prions instamment. Ne cherchez pas à faire court. Donnez-nous un tableau complet des cultures, des fleuves, des villes, des hommes, des mœurs, des institutions et des lois, enfin de tout ce qu’à votre avis nous désirons connaître. Et sachez que nous désirons connaître tout ce que nous ignorons.
– Il n’est rien que je fasse plus volontiers, car tout cela m’est présent à l’esprit. Mais il nous faudra du loisir »[1].
Le tableau, dressé par Raphaël Hythlodée, tapissera la totalité du second livre de l’Utopie. A travers la diversité des données topographiques et anthropologiques qui le composent, il permettra de distinguer l’île de toute autre terre en la rendant du même coup repérable. L’affirmation « qu’il n’existe nulle part un peuple plus excellent ni un Etat plus heureux » [2] complète cette individualisation à l’aide d’un autre système de coordonnées. En effet, elle positionne la civilisation des Utopiens le long d’une échelle de perfection qui englobe toutes les cités connues. Aussi, l’expression « Nulle part » qui définit habituellement l’« utopie », ne signifie pas uniquement, du moins dans le cas d’Utopia, qu’elle n’existe pas sur terre mais également qu’on ne peut lui trouver de territoire équivalent dans l’ancien Monde. Utopia est donc une civilisation unique située sur une seule terre. L’étonnant dans la composition de ce tableau est que les deux manières de situer l’île n’aient pas le même degré de précision : ses coordonnées « politiques » sont claires puisqu’Utopia, pour Raphaël Hythlodée, se situe à l’échelon supérieur de la hiérarchie des cités existantes. Par contre, ses coordonnées géographiques, dans la mesure où aucune latitude et longitude ne sont rapportées, ne peuvent lui donner l’aspect d’un point sur une carte. Comment expliquer ce décalage dans la localisation de l’île ?
Au fil de notre enquête, nous avions affirmé que le silence du compagnon de Vespucci sur la position absolue de l’île n’était sans doute pas étranger aux anciennes pratiques des marins, à leur manière de dresser des cartes. Les indications données dans le texte sont les mêmes que celles qui étaient consignées sur les portulans, c’est-à-dire les directions nécessaires pour se diriger vers les lieux recherchés et la topographie des côtes. Il est en effet bien mentionné dans l’ouvrage de Thomas More que l’île Utopia est dans la zone tempérée de l’hémisphère sud près d’une terre assez étendue pour être un continent, c’est-à-dire l’Amérique du sud actuelle. Ainsi comprenions-nous l’absence de coordonnées exactes dans la série des données géographiques de l’île.
Les choses sont pourtant un peu plus complexes. Vespucci, comme Colomb, savait calculer sa position sur la terre, même si avec le recul nous savons que les calculs de la latitude étaient bien meilleurs que ceux de la longitude. Le personnage d’Hythlodée, même si on ne peut lui attribuer les mêmes connaissances que Vespucci, devait connaître l’art de la navigation ; il raconta même, à propos des peuples rencontrés, « avoir gagné un grand prestige auprès d’eux en leur expliquant l’usage de l’aiguille aimantée »[3]. Il aurait donc pu, selon la cohérence induite par les éléments de la fable, faire les mêmes calculs que les grands navigateurs ou même seulement indiquer la latitude atteinte au moment où son périple s’est séparé de celui de Vespucci. Or, il n’en est rien. Alors, si les données géographiques d’Utopia sont bien celles d’un portulan, on ne peut que se questionner sur le choix d’un tel mode de localisation alors que d’autres étaient disponibles dans la fable.
La recherche doit donc continuer et pour cela, il faut remanier quelque peu nos affirmations initiales. Il ne suffit plus de se demander pourquoi parmi tant de données géographiques, More reste silencieux sur l’une d’entre elles, il faut s’interroger plus radicalement encore : les données manquantes appartiennent-elles vraiment à la géographie ? Est-ce bien sur la terre que son inscription fait défaut ou bien dans un autre espace ? L’absence de coordonnées exactes est-elle une lacune ou bien le tableau d’Hythlodée peut-il tout à fait être complet sans ces paramètres ?

 

II

Donner la longitude et la latitude d’un lieu, déterminer le climat qui règne sur certaines zones, indiquer les fleuves qui parcourent une région, l’implantation des villes ou la manière dont les terres se découpent en territoires ne relevaient pas à la Renaissance du même savoir. Ce que nous disposerions aujourd’hui au sein de la géographie était distribué tout autrement à l’époque où fût publiée l’Utopie.
La terre et sa description relevaient en effet d’une science, déjà fort ancienne, la Cosmographie, « c’est à dire la description du monde », qui comprenait « deux parties : l’une est la Geographie, c’est à dire description du globe de la terre & mer, & l’intelligence de l’estendue d’icelles & ceste cy est tres necessaire à un Prince & à un chef d’armee. L’autre partie est l’Astrologie ou Astronomie, qui parle, enseigne, & nous descrit les cieux, & la loy qu’y tiennent les astres »[4]. La géographie était donc adossée à l’astronomie et non à l’histoire comme elle l’est actuellement. Et bien que partageant toutes deux le même domaine empirique, dénommé le monde, le cosmos ou l’éther suivant les auteurs, les deux disciplines n’avaient pourtant pas le même statut. L’astronomie était perçue par de nombreux savants de l’époque comme la cosmographie proprement dite, si bien que, suivant les traités, le nom de « cosmographie » désignait, tantôt la science dans sa totalité, astronomie et géographie incluse, tantôt seulement une de ses parties, l’astronomie. Ce glissement de sens n’était pas le signe d’une confusion ou d’une indétermination mais se fondait dans la nature même du cosmos, lequel était « le Ciel Total, & tout ce qui par le circuit d’iceluy est contenu & compris : duquel les deux principales parties sont la région céleste, & élémentaire »[5]. Il peut paraître étrange, pour les yeux d’aujourd’hui, de voir ainsi le monde s’apparenter au ciel et non au vide de l’univers. Il faut se rappeler que pendant de longs siècles, jusqu’à l’astronomie du XVIIe siècle, il apparaissait comme « un tout fini et bien ordonné, dans lequel la structure spatiale incarnait une hiérarchie de valeur et de perfection, monde dans lequel « au-dessus » de la Terre lourde et opaque, centre de la région sublunaire du changement et de la corruption, s’« élevaient » les sphères célestes des astres impondérables, incorruptibles et lumineux »[6].

 

La région céleste
Gemma Frizon, Les principes d’Astronomie & Cosmographie avec l’usage du globe, 1556.

Les astres n’étaient donc pas comme aujourd’hui des corps comparables à la terre ; visibles et situés dans les cieux, ils possédaient de fait une affinité avec la substance principale du monde, c’est-à-dire cette matière incorporelle et parfaite qui définit le ciel.
De même, l’astronomie avait un pouvoir de compréhension supérieur à celui de la géographie. Les lignes que nous voyons tracées sur les globes terrestres, telles que l’équateur, les tropiques, les méridiens et les parallèles, appartenaient et décrivaient en premier lieu les cieux, c’est-à-dire la structure même du cosmos. Ce n’est donc qu’après avoir observé le ciel, les étoiles et cartographier la voûte céleste que « pour tirer quelque fruict de cela à l’intelligence de la description de la terre, attendu que tout ce partement du ciel doit avoir lieu semblablement sur le globe de la terre, il nous faut imaginer que les mesmes cercles ont lieu sur icelle, pour entendre quel endroict de la terre correspond à chascune desdictes zones »[7]. A la Renaissance, la géographie était donc incluse dans la cosmographie à condition d’être subordonnée à l’astronomie. Elle « ne peult bien ny avec utilité estre entendue, si la cognoissance du ciel ne precede : car sans icelle lon ne peult scavoir quelle contree de la terre est plus vers le Levant, le Couchant, Midy, ou Septentrion : ny pourquoy c’est qu’en un païs, ou climat, fait plus froid ou plus chauld qu’en un autre : & oultre pourquoy les iours sont plus courts ou plus longs en un lieu qu’en un autre, & en certain lieu tousiours egaux à la nuict : &, qui est plus merveilleux, en certaines saisons, par tout le monde egaux : ny finablement pourquoy les vents venans d’un costé, sont plus chaulds, plus froids, plus humides, ou plus secs, que d’un autre »[8]. Le globe terrestre miniature, en matérialisant la fiction d’une vue céleste, permettait donc d’inscrire sur la terre les révolutions que les astres décrivent au-dessus d’elle. Opération fondamentale puisque sans ces cercles qui divisent et quadrillent la surface du globe, on ne pouvait localiser les différents éléments qui se répartissent sur elle. La terre, pourtant située dans le monde, aurait alors été privée d’orientation.
Le domaine d’investigation de la géographie se situait donc dans la région élémentaire du monde, c’est-à-dire un domaine tout à la fois enveloppé dans les cieux et délimité par eux. Or, le nom « Terre » se réfère à deux objets distincts : soit un globe qui comprend, on l’a vu dans les définitions précédentes, à la fois la terre et la mer ; soit un élément, c’est-à-dire uniquement la substance terrestre. De quel objet la géographie était-elle donc la science, quel était précisément son domaine, pouvait-il s’élargir aux autres parties de la région élémentaire se réduisait-il à la partie terrestre du monde et sous quelle forme, une sphère, une substance matérielle ? Poursuivons notre enquête. A la Renaissance, donc, le « monde est une sphere, ou globe composé des quatre Elemens, & du Ciel qui en forme ronde les environne, comme l’escaille d’un œuf est entour le rouge & l’aubin. Les Elemens ont en iceluy situation convenante à la propriété naturelle de chacun. Car la Terre, plus solide partie d’iceux, s’est desmeslee des autres & referree, & est le centre des autres Elemens qui l’environnent.
L’Eauë moins solide, & plus liquide, est dessus la Terre, laissant par le vouloir de Dieu certains endroicts descouverts, pour l’habitation des hommes & autres animaux terrestres. L’Air plus rare, & plus clair, est au dessus de tous deux, les environnant de toutes parts, comme l’aubin d’un œuf autour du noyau. Le Feu plus leger, subtil & agile, est au dessus de l’Air, l’environnant de tous costez, & le plus prochain du ciel. Le Ciel ou firmament, est une cloture qui environne tout de matiere de nous incogneuë, transparente, exquise, incorruptible, & non subiecte à changement » [9]. Les quatre éléments et les cieux, bien que distincts, sont juxtaposés les uns aux autres en une série de cercles concentriques, comme on le voit dans la figure suivante.

 

La disposition des quatre éléments
Gemma Frizon, Les principes d’Astronomie & Cosmographie avec l’usage du globe, 1556,

 

Par conséquent la géographie pouvait très bien décrire la terre sans faire référence aux autres éléments. Mais dans ce cas, elle ne pouvait appartenir à la cosmographie et ceci pour une raison fondamentale : un monde se définissait à l’opposé d’un élément. Ce dernier est en effet une matière qui ne peut rien contenir d’autre qu’elle-même, c’est-à-dire d’autres parties homogènes mais plus petites. Au contraire, un monde a pour principale propriété de contenir, de renfermer autre chose que ce qui le compose, comme le ciel total avec les quatre éléments. Or, bien que des débats divisaient les savants pour savoir si la mer ne perturbait pas la rondeur de la terre ou si la terre n’était réellement un globe qu’avec son concours, la terre devait être appréhendée comme une sphère ou un disque pour pouvoir envelopper d’autres éléments qu’elle. A cette condition, la terre pouvait devenir un microcosme de l’univers et la géographie nommée ou incluse dans la cosmographie.

C’est pourquoi on pouvait intituler « Cosmographie Universelle » une œuvre en « laquelle suivant les auteurs plus dignes de foy, sont au vray, descriptes toutes les parties habitables, & non habitables de la Terre, & de la mer, leurs assiettes & choses qu’elles produisent : puis la description & peinture Topographique des regions, la difference de l’air de chacun pays, d’où advient la diversité tant de la complexion des hommes que des figures des bestes brutes. Et encore l’origine, noms ou appellations tant modernes qu’anciennes, & description de plusieurs villes, citez & Isles, avec leurs plantz, & portraitz […]. S’y voyent aussi d’avantage, les origines, accroissements, & changements des Monarchies, Empires, Royaumes, Estatz, & Republiques : ensemble les mœurs, façons de vivre, loix, coustumes, & religion de tous les peuples, & nations du monde »[10], bien qu’aucune description mathématique ou coordonnée mathématique ne soit mentionnée. Le traducteur de l’œuvre s’en explique d’ailleurs avec ses lecteurs en disant : « si je nomme cette œuvre Cosmographie, ce n’est [pas] sans raison, prenant la partie pour le tout, [mais] à cause que la terre est embrassée des autres parties qui font la perfection du globe du monde »[11].
A la Renaissance, le savoir sur le monde, rassemblé dans une seule science nommée cosmographie, offrait donc deux possibilités de description de la terre à la fois divergentes et complémentaires. Bien que la géographie soit subordonnée à l’astronomie, chacune avait sa consistance propre, la seconde « détermine seulement & partist la terre par les cercles du ciel » et la première « par montaignes, mers, fleuves & rivières »[12].

 

III

Nous nous étions demandés pourquoi manquaient les coordonnées précises d’Utopia et ce dans la mesure où le personnage Raphaël Hythlodée est présenté comme un compagnon de Vespucci qui était un excellent cosmographe. Ce problème était le signe d’une confusion à présent dissipée : les différentes données apparemment géographiques ne relevaient en fait pas du même savoir bien qu’elles appartenaient à une même science. Quand Hythlodée situe Utopia dans la zone tempérée de l’Hémisphère sud, il fait appel au savoir cosmographique puisqu’il découpe la terre suivant les divisions de la voûte céleste. Quand il décrit l’embouchure du fleuve Anhydre, il se réfère cette fois à la géographie. Le regard que porte le navigateur sur l’île inconnue ne passe pas par la contemplation de la voûte céleste, il décrit et voit Utopia d’un point de vue exclusivement terrestre. Son tableau est donc un exemple parfait de description géographique selon les règles de l’époque. L’absence de coordonnées n’était donc que l’envers d’un choix positif recoupant la disposition des sciences de la Renaissance.
D’autres questions doivent maintenant se poser. Pourquoi la géographie occupe tant de place dans la fable de More alors que la Cosmographie était la science majeure ? Serait-ce le signe que la terre utopienne, tout en continuant d’appartenir au monde, est incapable d’être un microcosme, une figure similaire et jumelle de l’univers ? Aurait-elle perdu toute similitude avec le reste du monde terrestre sans pourtant devenir une figure céleste ? Par ailleurs, la géographie était-elle plus appropriée que la Cosmographie pour prouver, illustrer ou fonder la supériorité d’Utopia face aux autres civilisations ?
D’autres enquêtes devront bientôt suivre. Certaines interrogeront le rapport que l’utopie entretient avec le ciel et la terre, d’autres les relations qui, à travers elle, unissent Terre et Politique.

 

Notes

1. Thomas More, L’Utopie, Garnier-Flammarion, Paris, 1966 (Réed. 1987), p. 131-133. Retour au texte
2. ibid, p. 185. Retour au texte
3. ibid, p. 88. Retour au texte
4. Gallard-Terraube, Bref discours des choses les plus nécessaires & dignes d’estre entendues dans la cosmographie, 1558, feuillet 6.
5. Gemma Frizon, Les principes d’Astronomie & Cosmographie avec l’usage du globe, 1556, folio 4. Retour au texte
6. Koyré Alexandre, Du monde clos à l’univers infini, Gallimard, Coll. Tel, 1973 (1ère édition, John Hopkins Press, 1957), p. 11. Retour au texte
7. Gallard-Terraube, Bref discours des choses les plus nécessaires & dignes d’estre entendues dans la cosmographie, 1558, feuillet 5. Retour au texte
8.ibid, feuillet 14. Retour au texte
9.ibid, feuillet 6. Retour au texte
10. Munster Sebastian, La cosmographie universelle de tout le monde, p 1. Retour au texte
11. ibid, p 7. Retour au texte
12. Pierre Apian, La cosmographie, 1553, folio 2. Retour au texte

Utopies. I

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L’île

Quand l’humaniste Thomas More publia en 1516 une œuvre, devenue célèbre, sous le titre d’Utopia, il fit beaucoup plus que nommer un livre : il ouvrit un espace, un espace que nous finirons par appeler « utopie », et dans lequel les cités parfaites, les mondes meilleurs, les pays de Cocagne, les socialismes réels et les étoiles lointaines continuent encore aujourd’hui d’être regroupés. Cet espace, on refusera de dire qu’il n’existe pas, du moins si l’on entend par là qu’il n’a jamais eu lieu, ni cours. On se contentera de l’interroger, sans juger d’emblée de son être, au niveau des dimensions qu’il a reçues ou prises, de leurs constantes et de leurs transformations.

Car est-il si impossible que cela de situer cet endroit dont les limites actuelles débordent de loin le territoire dessiné par le texte de More ? Ne serait-il pas l’un de ces poussiéreux rayonnages qui parcourt les immenses travées de la bibliothèque universelle idéale ? Ne serait-il pas plutôt une sorte de refuge, ouvert à tous les mondes virtuels demeurés en marge de l’histoire, du moins sa face positive, vérifiable ? Ou bien encore l’endroit unique où les ruines d’un certain Occident, celui d’autrefois, celui de demain et d’après-demain, continuent de se dresser telles les fiers monuments de son étrange civilisation ? Qu’aurait-donc déposé sous nos yeux Thomas More ? Aurait-il seulement fondé un genre littéraire ? Fixé un endroit dans lequel accueillir tous les récits de mondes à la localisation incertaine, voire impossible ? Ou seulement trouvé la place nécessaire pour que s’accumulent sans fin toutes nos fantaisies de l’espace et du temps ?

Autour de More aujourd’hui nous voyons Platon, Hésiode et Saint-Augustin côtoyer Bacon et Condorcet, vite rejoints par Fourier, Saint Simon et même Jules Verne parfois. Sont donc rassemblés sous le nom d’utopie des textes de natures sensiblement différentes, si bien que l’œuvre de More signalée le plus souvent comme une critique politique dissimulée, ou enveloppée, dans un récit de voyage fictif, paraît à leurs côtés de bien des manières : rêve amer d’un âge d’or, prophétie d’un avenir radieux, anticipation d’un monde sombre et totalitaire, toujours fuite du présent. Aussi le rapprochement de tant d’époques et de styles paraît éclectique à la longue, hétéroclite même. Et pourtant, Utopia semble autoriser ce regroupement. Dans ses éditions ultérieures, à son titre traduit généralement par « lieu de nulle part », d’autres noms sont venus s’ajouter : Udetopia, « lieu d’aucun temps » et Eutopia, « lieu de félicité ». Qu’importe alors, dira-t-on, qu’Utopia soit originellement le titre d’un texte singulier, ses trois noms rassemblés ne conviennent-ils pas à d’autres textes dispersés dans l’histoire ? Certes, certaines œuvres placent l’utopie dans les cieux, d’autres sur la terre ; d’autres encore ou les mêmes la renvoient à un âge mythique, à l’origine du monde ou à la fin des temps. Mais ce texte de 1516 n’est-il pas la manifestation historique, la révélation profonde d’une expérience culturelle fondamentale et coextensive au destin de l’Occident, la manière dont il s’est établi et s’établit encore – et le plus souvent ailleurs que sur ses terres  – comme civilisation ? L’utopie ne dépose-t-elle pas, au niveau le plus élémentaire de l’expérience de l’homme, à même l’espace et le temps, l’ensemble des biens et des valeurs de l’Occident ? Dans ce cas, nous n’aurions pas tort d’arrimer autour du solide mât de l’utopie cette frange marginale mais insistante de désirs et de rêves que porte avec elle la culture occidentale, à condition de ne pas les réduire à un genre littéraire, à un monument verbal. Car si les utopies existent, pour nous, seulement dans les œuvres qui les racontent et les décrivent ; d’autres, comme les utopies socialistes ou chrétiennes, les utopies coloniales et patronales, se sont réellement implantées. Alors pourquoi le nom « utopie » plutôt que les deux autres, pourquoi celui-là seul s’est-il mis à désigner tant d’autres textes autres que celui de More ? Tendons l’oreille, les noms sont si souvent indiscrets… L’Occident n’existe-t-il pas, lui aussi, et peut-être en premier lieu, par et dans ce rapport à l’espace, dans cette orientation si évidente, si attentive à la courbe du soleil ? Ces œuvres, faites de terres, de paroles et de gestes, ne sont-elles pas de hauts monuments témoignant, non tout à fait de la richesse interne d’une civilisation, mais de ces événements rares par lesquels une culture se spatialise, c’est-à-dire se constitue dans l’espace et comme espace ?

S’attarder ainsi sur la fortune d’un nom montre aussi à quel point l’utopie peine à trouver du sens aujourd’hui. Peut-être que les œuvres ainsi désignées finiront-elles bientôt par montrer, devant leur disparate rendu manifeste, tout ce que leur rapprochement pouvait avoir de curieux, d’arbitraire et de forcé. Devant ce que nous avons d’ores et déjà bien du mal à appréhender, il faut bien s’attendre à ce qu’un jour prochain tant d’œuvres, verbales ou « vécues », finissent à nouveau par se disperser. Seule restera alors, énigmatique, muette, cet Utopia dont le nom, formé d’un « u » privatif et de « topos » le lieu, témoignera encore d’un rapport obscur, mais révolu, entre l’espace et sa négation. À condition, toutefois, ne pas s’empresser de résoudre l’énigme comme on le fait de nos jours, en imaginant que tant de mondes radicalement autres furent seulement évoqués, décrits, fondés et même découverts par l’unique instrument d’une simple et immédiate négation du réel, du présent, du malheur : négation de l’ici où l’on vit. Erreur qu’il ne faudra donc pas corriger ou réduire, car ce sera notre chance au contraire, notre propos même, que de faire entendre dans la simplicité de ce nom d’utopie, la multiplicité de négations qui s’avèrent capables d’affecter l’espace et d’offrir ainsi aux hommes quantité de lieux d’habitation, d’aventures ou de passages. Ces types de négations, nous pouvons schématiquement en isoler quatre. Il y a :

  • Le non-localisable lié aux limites historiques, physiques ou morales, qui affectent à chaque fois une technique ou un procédé de localisation. Problèmes d’inclusion d’un espace dans un autre, embarras de définition d’une situation, difficultés de transports d’échelle. Il est impossible, par exemple, pour la cartographie de reproduire exactement sur un espace plat, à deux dimensions, un volume. La terre refuse ainsi de se laisser redoubler entièrement en cet autre miniature, proportionné, qui en déploie pourtant l’extension. Tout l’espace ne trouve pas lieu sur la carte. Qu’en est-il  alors d’Utopia ? Offre-t-elle une résistance à la cartographie ou à d’autres techniques ? Comment résiste-t-elle aux différentes tentatives pour la situer ?  Mise à l’épreuve d’une première question : où sommes nous ? Ubi ? Approche positionnelle.
  • Le non-décelable, ou non-repérable, produit d’une dissimulation acharnée, d’un éloignement irréductible ou d’une profondeur démesurée, cache un espace dans un autre, sous un autre, derrière. Masques irrémédiablement collés aux visages, tombeaux scellés à jamais ont le pouvoir de rendre indiscernable aux regards deux espaces cependant distincts. C’est l’inverse de la difficulté précédente, on sait où se trouve l’espace en question mais on ne l’a pas vu venir, on ne sait pas d’où il vient. Christophe Colomb a-t-il vraiment découvert l’Amérique ou n’a-t-il pas aussitôt recouvert ces nouvelles terres des Indes merveilleuses qu’il croyait avoir retrouvées ? Et Vespucci, y reconnaissant lui un nouveau continent, n’a-t-il pas volatilisé ces mêmes Indes rêvées dans un autre espace qu’on ne sait plus ni situer, ni comment nommer : imaginaire, invisible, atopique ? Difficulté de la question Unde ? D’où ça sort ? D’où cela vient-il ?  De quel espace un lieu peut-il ou non parvenir à se dégager ?  Approche phénoménale.
  • Le non-orientable induit par un mouvement incessant emportant chaque chose partout et au loin, bref nulle part, en tout cas sans lieu proprement assignable, sans direction ferme ; mouvement d’une nuit blanche qui aveugle les étoiles ou un ciel si bas qu’il force le soleil au retrait. L’utopie est-elle comme cet espace déboussolé, sans Orient, ni Occident ? Trouble proprement dit de la désorientation : Quo ? Où aller ? Approche directionnelle.
  • Le non-accessible, ou le non-pénétrable, qui traduit le degré d’expansion, d’ouverture, d’interpénétration des espaces géographiques, sociaux ou architecturaux entre eux. Les Amériques n’ont elles pas été, pendant des siècles pour les Européens, des terres sans lieu, donc à la lettre « utopiques » tant les rares contacts qui s’étaient établis entre les deux continents n’avaient pas suffi à établir leurs existences respectives en la convertissant en une évidence géographique réciproque ? Questions de passage, de détours et de voies : Qua ? Par où passer ?

De ces quatre questions différenciées par Michel Serres (« Erres dans les cimetières » du livre Statues), il est possible que le non-lieu, ce qui n’appartient pas à l’espace en tant que tel, ce qui laisse donc l’espace sans étendue, sans place, sans direction, sans profondeur et sans axe, soit le problème général à chaque fois reposé. Ne serait-ce pas cela que l’on tente de dire quand on fait de l’utopie une fiction, une chose imaginaire, une entité idéale, un produit de l’esprit ? Car ces notions, toutes approximatives qu’elles soient, désignent traditionnellement des substances conçues comme immatérielles, impalpables, spirituelles. Or, comme les géographes nous le montrent aujourd’hui, un site peut très bien s’appréhender hors de son rapport à l’espace, c’est-à-dire hors de sa perception ordinaire d’Étendue. Et même si rien ne nous dit pour l’instant de quelle expérience de l’espace l’utopie est faite, si elles les enveloppent toutes ou seulement certaines d’entre elles, et s’il y a même des âges de l’utopie, il est possible d’inventorier pour commencer les réponses que l’œuvre de More recèle sur cette question.

« Impossible, auront peut-être répondu nos modernes sédentaires, car Utopia est une fiction et vous ne la trouverez donc nulle part. Certes, More donne assez de vraisemblance à la description du lieu, suffisamment pour que le lecteur imagine, le bref moment de la lecture, l’existence quelque part d’une telle île mais, il n’en donne jamais la localisation exacte, il s’agit ici seulement d’un artifice rhétorique, une façon de poser cette contrée lointaine en principe de jugement politico-moral sur l’Angleterre qui est, n’oublions pas, la patrie de More ». Et Les anthropologues, bien plus tard, confirmeront et apporteront leur caution à cet argument : car se mettre à distance de soi, n’est-ce pas effectivement un moyen excellent pour atteindre à plus de lucidité ; porter le regard au loin, prendre de la distance, n’est-il pas une condition absolument nécessaire pour analyser et évaluer le plus proche ? Il faudra donc que tôt ou tard, à notre tour, nous répondions quelque chose, et quoi sinon « Oui, vous avez raison, il est bien inutile de courir après de telles folies. Nous n’avons plus alors qu’à renoncer à notre beau voyage. Mais, justes quelques petites questions, voulez-vous, avant de rester définitivement cloués au port. Quelle serait cette ruse si étrange, si malhabile, qu’elle serait déjouée dès la première seconde ? Car, enfin, More pouvait-il donner un air de vraisemblance à cette île en la nommant de cette manière, en plaçant directement sous les yeux du lecteur le moyen de désamorcer le piège qu’il tendait par sa lecture ? Devons-nous admettre qu’après tout, Thomas More n’était qu’un piètre artificier et que les pièges qu’il destinait au lecteur lui explosaient tout bonnement dans les mains ? Suffit-il même, pour affronter le problème, de se contenter de faire de ce constat liminaire le signe d’une ambiguïté consubstantielle au texte utopique [1] ? Ah que nous sommes loin d’en avoir fini avec la polysémie d’Utopia ! Quoiqu’il en soit, pour le lecteur qui tient l’œuvre dans ses mains, Utopia orne le livre, lui donne son titre et tout au long de ses pages demeurera également le nom d’une contrée à la géographie tourmentée : en effet, depuis que son premier souverain, son conquérant, Utopus (!) décida de couper l’isthme de quinze milles qui rattachait cette terre au continent, faisant « en sorte que la mer l’entourât de tous côtés » [2], celle-ci devint une île. Nul ne pouvait plus l’aborder sans se faire, ne serait-ce que sur une barque, navigateur. Partons donc à sa recherche ! Faisons de cette lecture, par cette lecture, un bref voyage vers l’utopie !

Hâtons ainsi notre départ, et voyons si entre ces deux termes (le nom d’une terre,  le nom d’un livre), l’utopie ne nous réserve pas quelques surprises. La première partie du texte retrace le périple vers les Indes du navigateur Raphaël, elle indique la zone où il découvrit, entre autres civilisations, celle d’Utopia : « De part et d’autre de la ligne équatoriale, sur une étendue à peu près égale à l’orbite que parcourt le soleil, s’étendent à vrai dire de vastes déserts grillés par une chaleur sans répit. Tout est là aride et stérile, régions affreuses et sauvages peuplées de fauves et de serpents, d’hommes aussi, mais féroces comme des bêtes et non moins dangereux. Mais, une fois cette zone dépassée, la nature retrouve peu à peu quelque douceur. Le ciel est moins impitoyable, le sol se couvre d’une douce verdure, les êtres vivants sont moins farouches. Enfin, apparaissent des peuples, des villes, des bourgs, des relations continuelles, par terre et par mer, entre voisins et même entre pays très éloignées » [3]. L’île baigne dans l’hémisphère sud, dans une aire symétrique à celle de l’Europe, une zone au climat tempéré. Et ce n’est pas tout, sa géographie interne nous est également connue, notamment par l’introduction du second livre de l’ouvrage totalement occupé par la description d’Utopia : en « sa partie moyenne », elle « s’étend sur deux cent milles, puis se rétrécit progressivement et symétriquement pour finir en pointe aux deux bouts. Ceux-ci, qui ont l’air tracé au compas sur une longueur de cinq cents milles, donnent à toute l’île l’aspect d’un croissant de lune » [4]. La ville Amaurote, semblable en tous points aux autres cités insulaires, est traversée par un fleuve qui « prend sa source à quatre-vingt milles au-dessus » [5] d’elle ; « c’est là un petit ruisseau, bientôt grossi par des affluents dont deux assez importants, si bien qu’à son entrée dans la ville, sa largeur est d’un demi-mille ; puis, toujours accru, il se jette dans l’Océan après avoir parcouru encore soixante milles »  [6]Ses dimensions, ses caractéristiques sont notées, identifiées et mesurées ; sa position sur le globe et par rapport aux autres terres est esquissée. Le texte donne à l’utopie une existence terrestre, similaire dans sa forme à tout autre site géographique, existence rendue encore plus tangible par la vignette ci-dessus qui accompagnait la première édition de 1516. À première vue, donc, Utopia, aussi fictive soit-elle, accepte de s’incarner dans un espace. L’île est uniquement sans-lieu du point de vue de sa localisation exacte, puisqu’aucune latitude et longitude ne sont mentionnées alors que ce calcul, même s’il était délicat, était pratiqué depuis bien des siècles avant la Renaissance. Au sein même de la fiction, donc, Utopia n’est pas introuvable.

Revenons un peu sur les indications contenues dans le texte. Elles donnent une localisation relative de l’île, elles découpent un périmètre au sein duquel elle se trouve, et même si le texte et la vignette ne sont d’aucun secours pour déterminer la route qui y mène, même s’ils ne peuvent nous orienter comme le feraient des cartes précisant combien de milles il resterait à parcourir, l’ensemble de ces données s’intègre en un tableau qui ressemble étrangement aux portulans des navigateurs, ces cartes maritimes dans lesquelles étaient décrites et esquissées les rives terrestres, et, de plus en plus à la Renaissance, l’aspect de chaque arrière-pays. La seconde partie de l’œuvre dressant le tableau minutieux de l’île, des mœurs des habitants, de la distribution des pouvoirs et des richesses, de l’organisation du travail, de la disposition des villes, accentue à l’extrême cette tendance historique allant jusqu’à renverser l’équilibre habituel du portulan en multipliant les données de l’intérieur des terres au détriment des côtes. Le texte minimise donc les données géographiques classiques pour situer l’île mais multiplie les précisions susceptibles d’intensifier le pittoresque du paysage et de ses habitants, et, ce faisant, singularise ce lieu aussi bien que ne le feraient les coordonnées mathématiques d’une carte. Si bien qu’un voyageur – comme les romans d’aventure en regorgent – à qui l’on aurait conté l’histoire d’Utopia comme Raphaël le fit à More, pourrait aisément la reconnaître : il serait en mesure trouver l’île sans avoir à connaître le chemin qui y mène.

Encore faudrait-il, qu’il soit un peu comme Robinson, un voyageur un peu particulier, jeté par la mer, échoué sur la terre, accostant l’île par hasard. Car un autre voyageur, circulant à bord de ces vaisseaux qui mouillent au large sur la vignette, aurait bien d’autres difficultés. Car, bien qu’ayant lu lui aussi dans le texte de More la topographie de l’île, du haut de sa vigie, le navigateur ne pourrait pas connaître de manière certaine sa position. De la manière dont est décrite Utopia, il faudrait qu’il pénètre dans les terres et voit les maisons, les champs, esquisse un dialogue avec les habitants pour ainsi savoir à coup sûr où il se trouve. C’est là que la configuration de l’île imposerait au navigateur une chicane supplémentaire. En effet, son abord est périlleux « à cause des bancs de sable d’un côté et des écueils de l’autre ». Certes, au large du port se dresse « un rocher, trop visible pour être dangereux, sur lequel on a élevé une tour de garde » mais « d’autres se cachent insidieusement sous l’eau. Les gens du pays sont seuls à connaître les passes, si bien qu’un étranger pourrait difficilement pénétrer dans le port à moins qu’un homme du pays ne lui serve de pilote » [7]. Dans ce savoir unique et souverain des habitants se loge un des paradoxes de l’utopie. La géographie est inutile pour le voyageur, la topographie à peine un indice suffisant ; la seule manière de se repérer se trouve dans la culture utopienne visible, manifeste à l’intérieur des terres. Or c’est cette même culture qui en contrôle l’accès.

La fiction de More n’a pas donné une existence terrestre, vraisemblable, à Utopia alors que de fait elle est introuvable, elle n’a pas inventé un espace nouveau, imaginaire, elle a maintenu contre les conquêtes qui lui sont contemporaines, un certain rapport du savoir et de la terre. Elle a laissé et confié à une terre, la dernière, non seulement, le pouvoir souverain de décider de sa découverte, d’être localisable de l’extérieur mais aussi inscrit cette terre dans un cycle de découvertes indéfiniment répétées. Car, si un philosophe, en l’occurrence, le navigateur Raphaël, tel qu’il est dépeint dans le texte, a noué une amitié avec les autochtones et peut-être partagé le savoir du passage vers l’utopie, la manière dont il décrit l’île (par une réserve calculée ou par la discrétion des habitants), oblige chaque homme en quête d’utopie à se faire voyageur errant. Aussi, dans l’œuvre de More, n’y a-t-il que deux manières pour l’étranger de trouver ce lieu de nulle part :

  • l’échec, le voyage qui prend fin brutalement, le vaisseau qui s’échoue lamentablement
  • la découverte, la chance miraculeuse, l’aventure qui attire le voyageur au mépris de la mort

La fiction utopique est bien une pensée de l’impossible mais dans l’élément physique de l’espace, une peinture de l’impossible comme volume clos, ne s’ouvrant que de l’intérieur, ne donnant d’autre visage au possible que celui du hasard de la rencontre, de la chance mortelle : « Je ne peux jamais savoir où se trouve l’utopie, je dois à chaque fois la redécouvrir », quand les utopistes du XIXe siècle décideront de fonder des utopies sur des terres vierges ou déjà habitées, c’est qu’ils n’entendront plus cette leçon de More, l’ère de l’Utopia sera achevée.

 

Jacques de Vau de Claye, Portulan du Brésil, Dieppe, 1579, BNF

Notes :

1. More Thomas, L’utopie, Garnier-Flammarion, Paris, 1987, p. 138 Retour au texte
2. Pour une lecture de l’utopie comme œuvre ambiguë, voir Paul Ricœur, L’idéologie et l’utopie, Seuil, Paris et Miguel Abensour, Le procès des maîtres rêveurs, Sulliver, Arles, 2000 Retour au texte
3. Ibid., p. 87-88 Retour au texte
4. ibid, p. 137 Retour au texte
5. ibid, p. 142 Retour au texte
6. ibid., p. 142 Retour au texte
7. ibid., p. 138 Retour au texte