Nos occupations

Souvenir d’une discussion amicale avec Daniel Bensaïd sur les formes de l’action politique : il faisait dépendre la conduite d’une action efficace et continue d’un rassemblement permanent, c’est-à-dire d’un Parti au contenu renouvelé. Je faisais valoir, non pas contre, mais aux côtés de cette forme qui, d’un caractère d’assemblée publique vire peu à peu à celui d’un bureau d’administration, les villes éphémères, ruinées aussitôt qu’élevées, ouvertes lors des contre-sommets réunissant les Grands de ce monde. Forme transitoire (peu suspecte de ces longues et lentes dégradations qui fondent le jeu et travestissement idéologique), forme d’implication directe (dès l’aménagement du lieu), forme mobile (elle peut se poser face au Souverain partout où il se déplace) : cette cité existe en acte et ne sert plus à préparer la venue d’une autre, comme dans le cas du Parti. Les événements de Tunisie, ceux survenus en Égypte sur la place Tahrir, en Ukraine sur la place de l’Indépendance – les noms des lieux de mémoire ont une importance – les mouvements des Indignés, d’Occupy Wall Street, montrent l’insistance, peut-être même le développement, de cette forme de combat politique : l’émergence d’une cité de transit, de passage, au milieu d’un territoire étatique. Renouveau de la place publique.