Devise royale

La devise de la Royal Society, Nullius in verba, était issue d’un vers des Épîtres d’Horace : « Nullius addictus jurare in verba magister », qui signifiait : « En rien, je ne suis soumis aux paroles du maître ». Liberté nécessaire à la possession du vrai. Nous savons ce qu’il est advenu des académies, des universités, de tous les lieux de concentration du savoir, ils ont, du temps des Lumières, fait l’objet de vives critiques, celles essentiellement de confisquer la richesse du savoir, de l’avoir confiée à de nouveaux maîtres et disciples. Autour et sous la parole des sages, des prêtres et des mages, de nouvelles forces s’étaient progressivement installées, assez puissantes pour les mettre au silence, recouvrir leur parole, effacer les prestiges dont elle était parée.

Peut-être est-ce l’écriture, lettre et image, rassemblée, répartie, hiérarchisée dans les livres, encyclopédies et bibliothèques, qui a servi de support à cette nouvelle institution de pouvoir. Savoir où la connaissance se trouve, localiser ce dernier dans le temps le plus court, cerner le domaine dans lequel la recherche peut errer, faisait sans doute partie des nouvelles techniques par lesquelles certaines puissances s’exerçaient dans l’élément du savoir. Bien sûr, il y eut des répliques permises pas l’exercice même de l’écriture : la possibilité des écrits volants (les mazarinades de la Fronde française, les libelles et les pamphlets de la Révolution anglaise) ; les pseudonymes et les anonymats qui permirent d’effacer la voix, le visage, les signes ineffaçables de celui qui parlait ; les correspondances et les éditions clandestines ; mais ces façons de parler à distance, de faire du langage majeur celui qui se tient en silence, étaient, sans doute aussi, une manière de faire taire, non pas seulement d’autres voix ou d’autres paroles (ce qui est une évidence vu l’enjeu social de la maîtrise des codes d’écriture et de lecture) mais surtout d’autres rapports possibles entre parole et vérité, des manières de tenir parole, de jurer, de témoigner, de mentir, etc. Il faudrait analyser en ce sens, et notamment dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, les thèmes des sociétés secrètes, des conspirations de prêtres, des complots de famines, etc.

À cette concentration du savoir qui s’est, non pas effacée, mais considérablement remodelée au siècle suivant, répond cette question : comment mettre en place aujourd’hui une rigoureuse dispersion du savoir ?