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Radio-New by Gafa Kassim

On peut se moquer – et avec raison – de ceux qui déclarent préférer le son du vinyle : plus rond, plus chaud, plus vrai ; au détriment de celui du compact. Mais on aura beau leur montrer que le son, en raison de son procédé de lecture, est meilleur (quand les gravures auront été faites avec soin, ce qui est loin d’être le cas pour tous les albums), ils n’auront pas tort pour autant de continuer à dire non. Car c’est peut-être que nous ne comprenons pas ce qu’ils disent et ce qu’ils expriment de cette façon ; nos arguments, pour être amplement objectifs, ne font pas de leurs affirmations de simples opinions subjectives. Les amateurs de vinyles, en effet, nous paraissent intégrer dans le son ce que d’autres comme nous n’y mettent surtout pas. Notre petit doigt sur le disque ne suit pas les mêmes pistes. Cette chaleur qu’ils sont nombreux à sentir (outre les questions de prise de son et d’enregistrement), c’est le crachotement caractéristique des émissions qui passent sur les ondes. Les amateurs de vinyles écoutent leurs disques en radiophonie.

Il y eut un temps où le jazz n’avait de vecteurs d’audition pure (c’est-à-dire de moyens de constituer sa musicalité en expérience purement auditive) qu’à la radio (il y avait peu de lieux pour l’entendre en tant que musique car celle-ci n’était bien souvent qu’un divertissement, et parfois une présence bien secondaire). Or, en écoutant les retransmissions sur le poste, non seulement on entendait cette musique – et ses musiciens – que bien souvent on n’allait jamais voir mais on se sentait également en présence de ceux qui, au même moment, écoutaient ce qui devenait alors un concert à distance. Et c’est cette chaleur, je crois, cette invisible proximité d’autrui, que retrouvent et apprécient les amateurs de vinyles. Debout, le casque sur les oreilles ou les enceintes à fond, dans une intimité ordinaire, voire même casanière, ils entendent et ressentent les autres autour d’eux.

À prendre plaisir, alors, dans ce crachin sonore, ils ne sont plus seuls. Il y en a d’autres avec eux quelque part attachés à contenir les même émotions qui débordent.