L’invention d’une solitude

Quoi de plus joyeux dans une aveugle recherche (aveugle parce qu’elle ne voit guère de ce qu’elle vise qu’un point minuscule) que de se débrouiller pour qu’il soit possible que d’autres regards, fort éloignés de vous, soient néanmoins capables de croiser votre trajectoire. Regards qui ne se tourneraient pas du tout dans la même direction que la vôtre, vers le même objet fuyant, qui ne vous dévisageraient même pas, sûrement pas, qui ne viendraient pas non plus du même foyer mais qui seraient capables, désormais, dans la nuit de ces longs et hasardeux mouvements, de laisser pour vous, devant vous, scintillant : un signe, une image, trace de leur sillage ou avance de leur venue.

La possibilité qu’il puisse exister une philosophie sauvage, au sens exprimé sur ces pages, va donner lieu, tout au long des années qui viennent, à une série d’essais consacrée à l’énigmatique solitude de Henry Thoreau, le célèbre promeneur naturaliste américain. Votre regard sera le seul tirage de ce qui, ensuite, disparaîtra.