L’indissociable

L’indivisible du social n’est pas l’individu mais l’indissociable, tous les rapports qui nous paraissent indestructibles quoiqu’il arrive dans l’histoire : la relation d’une mère à son enfant, l’existence de riches et de pauvres, la domination des gouvernants sur les gouvernés. La sociologie montre la fragilité, l’instabilité, de ces liens. Mais elle confond le plus souvent les parties (les relations particulières qui composent une société) avec les éléments (une société n’existe qu’au travers d’une population d’individus qu’elle rassemble et distribue à sa manière). Résoudre une société à ses individus, c’est passer du niveau social en deçà même du niveau démographique. C’est passer dans la fiction, celle pour laquelle chaque homme devient une cellule indépendante et autarcique, maître d’elle-même et sûre de ses biens, jusqu’à ce qu’un jour quelques-unes se rencontrent et paraissent l’une pour l’autre de simples moyens. C’est ce rêve qui ne date pas d’hier – établir un état de nature en état de fait parmi les hommes – que poursuit la science économique. C’est le cœur de sa raison. L’association comme instrument, comme technique.